23 Février 2010
Voici une étonnante anecdote, racontée par Christophe CAILLEAUX sur son blog. Je la publie ici, avec ses mots et son aimable autorisation.
En cette année de grâce 1033, quelque part en Saône et Loire, dans une forêt sombre près de Cluny, un homme s’apprête à savourer son repas. Ce ne sont pas des céréales : depuis trois ans, il n’a cessé de pleuvoir, l’eau pourrissant le sol et les rares récoltes. Ce n’est ni du porc, ni du bœuf, ni du mouton, pas même de la volaille ou du lapin : avec la misère et le mauvais temps, tout élevage est devenu impossible. Ce n’est pas non plus du chat, du chien, du renard ou du moineau, non, rien de tout cela : la plupart des animaux, domestiques ou sauvages, ont déjà été dévorés s’ils ne sont pas morts de faim. Notre homme mange pourtant. De la viande. De la chair humaine !
Cet homme aurait réellement existé d’après le moine et chroniqueur Raoul Glaber, il aurait vécu dans la forêt de Châtenet aux abords de Mâcon avant d’être brûlé en place publique après qu’on eut découvert chez lui pas moins de 48 têtes de victimes humaines ! Peut-être Raoul a-t-il exagéré pour faire de cette année 1033, millénaire de la mort du Christ, une année de désastres annonçant la fin des temps. Mais la famine ravagea véritablement la Bourgogne pendant de nombreux mois et il n’est pas impossible que, ponctuellement, des hommes désespérés se soient livrés à l’anthropophagie au cœur de notre belle région.
Ne vous inquiétez pas chers lecteurs, c’était il y a presque mille ans. Il n’y a plus que des gens bien élevés maintenant en Bourgogne.
source : Georges Duby, L’An mil, Chapitre II.